L'ANGLAIS
Langue qui privilégie
le corps, le bruit, la folie, le devenir...
Cela apparaît à nouveau dès la phonétique. Les syllabes
sont loin d'avoir la même longueur, les accents sont mobiles au
point de défier presque toute règle générale, et il y en a souvent
deux ou trois par mot, d'intensités diverses. Dans les syllabes
non accentuées, les voyelles disparaissent au profit d'un son neutre,
noté "e renversé (qui n'est pas le creux actif du "oe" français
de "coeur"), et dans les syllabes accentuées, où les voyelles se
prononcent, elles sont souvent doubles ("out"), ou du moins sonnant
double ("low", "free"), c'est-à-dire qu'elles sont impures et fluctuantes.
Les consonnes aussi sont bruitées, comme le "h" très aspiré, le
"r" très rentré (encore beaucoup plus bruitant en américain qu'en
anglais), les occlusives "t", "p", "k" prononcées explosives. Le
"th" et les sonores finales ("god", "dog") favorisent une diction
affectée, au contraire du français, qui veut se parler sans affectation
(la minauderie joue entre le naturel et l'affectation). La virtuosité
musicale de l'élocution se traduit jusque dans le faciès. Elle est
d'autant plus nécessaire que la dissimilation des phonèmes est faible;
l'américain actuel assimile les occlusives sourdes aux sonores:
"predy" pour "pretty", "viabilidy" pour "Viability".
Sur la même lancée, surabondent les désignations de mouvements
physiques; "ayant subi une rotation" se traduit par une syllabe
unique: "spun". Ces désignations efficaces se précisent moyennant
des préfixations parfois naïves, "up-grade", parfois subtiles, "a-do"
"be-have". Confirmant le bruitage général, elles sont le plus souvent
analogiques, presque onomatopéiques: "up", "down", "clash" "check
in", "check out", "clip" "chewing", "slab", "slack". Même plus lointaines,
elles restent très parlantes: "glitter", "glitz", "glitzy"
marquent l'éclat, le brillant.
Pour rendre les grands mouvements physiques, ainsi que les
formes ou sentiments qui en résultent, s'organisent des sortes de
confréries phoniques: "blunt, bluff, bold"; "baubles, bangles, beads";
"scrap, scrape"; "whiff, fluff"; "bottle, battle", qui pourtant
sont fréquemment d'étymologie différente. D'où aussi les mots valises,
depuis le "brunch" (breakfast + lunch), la "stagflation" (stagnation
+ inflation) et les "reagonomics" (Reagan + economics) jusqu'aux
abîmes du snark (snake, snag, etc. + shark, spark, etc.) de Lewis
Carroll. Comme on le voit, les mots valises, où la similitude sonore
synthétise des êtres composites, sont le contraire du jeu de mots,
où la similitude fait bifurquer. Etant donné la confrérie verbale,
on ne voit pas pourquoi tout monème (unité significative de langage)
ne passerait pas d'une classe de mot à une autre. A partir de "slack"
(relâchement) s'engendrent sans ambages un verbe ("to slack"), un
substantif d'action ("the slack"), un substantif d'état ("the slackness"),
un adjectif ("slack"), un adverbe ("slackly").
Mais venons-en au rapport crucial du déterminant et du déterminé.
Toujours à l'inverse du français, le déterminant est mis canoniquement
avant le déterminé. En effet, dans une saisie du monde par des mouvements
physiques, les accidents ou qualités sont les désignés principaux
du discours, et les substances sont furtives: "The only real people
for me are ( ... ) the ones who ( ... ) burn, burn, burn like fabulous
yellow roman candles" [Pour moi, les seuls gens réels sont ceux
qui brûlent, brûlent, brûlent, telles les fabuleuses bougies romaines
jaunes] écrit Kerouac. Cela fait la joie des physiologistes, qui
peuvent parler en bloc, et sans compromettre la syntaxe générale
de la sentence, de "split-brain subject", "split-chiasm cat", et
même de "specified labeled line coding".
Le déterminant fait alors tellement corps avec le déterminé,
c'est tellement lui qui prévaut, que souvent c'est à son initiale
qu'il faut chercher l'entrée dans le dictionnaire: "Analog computer",
"Digital computer", "Hybrid computer" (et demain sans doute "Neuronal
computer") sont des entrées différentes du Webster's, là où un dictionnaire
français ferait l'entrée à Computer, distinguant en cours d'article
computers analogiques, digitaux, hybrides, neuronaux. Bien entendu,
dans cette vue non substantialiste, il n'y a pas de privilège spécial
du substantif, lequel a des marques du pluriel, puisque nous restons
dans le domaine indo-européen, mais pas de genres, sauf pour les
êtres sexués. Et toujours en raison de la perception des mouvements
concrets, le vocabulaire est franc: une femme est volontiers "a
human female", et le Webster's précise que les "intercourses" ont
lieu avec ou sans pénétration.
Etant donné l'antécédence habituelle du déterminant, le
rapport entre déterminant et déterminé n'a pas à être indiqué autrement
que par leur simple juxtaposition: "a customs official" pour un
"responsable des douanes". Les liaisons adverbiales entre sentences
("nevertheless", "hence", "consequently") sont exceptionnelles.
Ainsi, les éléments de base au langage ne sont pas les mots
et les phrases au sens français, mais des bouffées sonores et sémantiques,
où les mots sont peu individués, et juxtaposés souvent sans conjonction.
D'où il suit que des modalisations globales comme "il est évident
que", "il est nécessaire ou utile que", sont rares, peu concevables,
non conçues.
Dans ce bruit global et cette absence d'accords, les mots peuvent
se répéter sans prendre un poids rhétorique particulier. Il n'y
a donc pas lieu d'éviter les répétitions de termes, ce qui permet
une remarquable constance du vocabulaire et favorise l'exactitude
objective du propos dans les textes de physique, de biologie ou
d'économie; les "referees" de revues d'économie mathématique renvoient
la copie à l'auteur jusqu'à ce que chaque mot soit entièrement élucidé.
Le scientifique qui rédige sa contribution n'a guère à s'inquiéter
de trouver des transitions.
Dans ce dispositif, les locuteurs prennent un malin plaisir
à utiliser les locutions et les mots étrangers en respectant autant
que possible la diction: "coup de force", "tour de force", "restaurant",
" noblesse oblige", "fait accompli". "Brahma" est parfois prononcé
"brokmo", à l'indienne, en une densité consonantique énorme ("b-r-k-m"),
qui permet de comprendre qu'il puisse être le principe suprême,
comme l'est presque Krishna ("k-r-sh-n"). Si on lit un texte à haute
voix, on imite les voix des intervenants, c'est-à-dire que, dans
une lecture radiophonique de Lewis Carroll, le lecteur parle comme
la petite fille, la vieille reine, Humpty Dumpty, ce qui serait
en français du dernier mauvais goût. Ce sont là autant de façons
de bruiter la phrase, de lui donner des variations de rythme et
d'intensité, bref d'épouser la bizarrerie et la folie phonétiques,
syntaxiques, sémantiques que sont tous les langages.
En anglais, l'étymologie a une importance extrême: le Collegiate
Webster's la donne avec un tel luxe qu'elle occupe parfois plus
de place que le corps de l'article. Dans cette mer de mots en devenir,
bien des articles s'achèvent sur des discriminations lexicales:
"behave" ne se comprend que dans son rapport à "conduct", "deport",
"comport", "acquit". Il n'y a guère moyen de parler pleinement pareille
langue sans se prendre à être linguiste et logicien. L'orthographe
très chargée y contribue, témoignant des états antérieurs et donnant
à chaque mot une étoffe graphique aussi riche que son étoffe sonore.
Par opposition au français, qui pratique la désincarnation
juridique, le langage anglais est d'emblée corporel, et même érotisé.
Il est jazz, et "intercourse" signifie à la fois relation sexuelle
et communication verbale (en français, c'est "commerce" qui a ce
double sens). Le pasteur pendant l'office, comme les Beatles au
studio de la BBC, peuvent commencer en parlant, continuer en chantant,
et revenir à la parole sans désemparer.
En tout cas, cette fois le langage ne s'efface pas devant son
désigné. Il n'est ni une vitre ni un miroir. C'est une onde aussi
mouvante que l'onde du réel entier, que celui-ci soit l'environnement
ou le corps du locuteur. La machinerie du souffle n'est jamais éludée,
et le plus bel éloge pour un écrivain, c'est de dire qu'il est "breathtaking"
[qu'il vous prend le souffle].
L'ANGLAIS
Langue qui affirme que
personne n'a jamais tout à fait tort
A l'inverse du locuteur français, sûr de lui, le locuteur
anglais croit d'emblée que ce n'est que par moments et fugitivement
qu'il accède à quelque consistance et exactitude. La dernière pièce
de Shakespeare, The Tempest, s'ouvre symboliquement sur des cris
de marins en perdition, au bord de l'inintelligible. On peut tout
au plus postuler un sens commun, un "common sense", et pas un "bon
sens". De même qu'on peut invoquer des droits humains, des droits
des hommes, "human rights", qui ne sont pas tout à fait des droits
de l'Homme, lesquels invoquent une espèce et une essence.
Aussi, dans les nouvelles du jour, le fait, le commentaire et l'opinion
sont continuellement distingués, sauf dans la presse à sensation.
Et, quand il s'agit d'un conflit, il est de coutume de donner les
arguments des uns et des autres, puisqu'il est entendu que tout
le monde a quelque peu raison et très largement tort. Le coefficient
d'incertitude de chaque information est d'autant plus facile à préciser
que des formules très courtes comme "allegedly", "reportedly", "presumably"
sont fournies par la dérivation universelle des adverbes, là où,
pour obtenir le même résultat, le français est condamné à des formules
encombrantes ("à en croire ce qu'on rapporte"), tranchées ("prétendument")
ou agressives ("je cite"). Etant donné que pour le locuteur anglais
tout langage est mensonge, le mensonge délibéré, souvent valorisé
par le locuteur français comme une preuve d'aplomb, est mal vu,
surtout aux plus hauts niveaux (Watergate et Irangate). Le droit
fait la part belle à la jurisprudence. La monarchie est d'abord
symbolique. Pas de constitution écrite. Une Magna Charta qui remonte
à 1215.
Parlant ce langage bruité, faisant la part belle à l'animalité
du corps, en même temps qu'attentif aux mouvements concrets, les
philosophes, comme Hume, devaient mettre en doute le principe de
substance, que Descartes croyait apercevoir "très évidemment et
très certainement", et devaient avoir un sens aigu de l'évolution
géologique, puis biologique, de la planète et des espèces, et être
sensibles au fait que cette évolution avait lieu moins par adaptation
active que sur des hasards naturels. Un handicap est une singularité,
et toute singularité est un événement; l'intérêt pour les handicapés
(de constantes émissions spéciales à la radio) est non seulement
social mais cosmique, ou plus exactement évolutif. Et l'on ne s'étonnera
pas que l'Absolu de Carroll, au lieu d'être "parfait", soit un Snark,
dont on peut dire seulement qu'il est (qu'il était) un Boojum: "For
the Snark was a Boojum, you see."
Tout cela donne une production littéraire immense, où la
poésie, le roman, le théâtre se fondent l'un dans l'autre. Pas une
littérature de belles lettres, mais de salut, où chacun, souvent
à partir de la Bible dans la remarquable version de King James,
récrit sa Bible à lui, son Moby Dick, en vers ou en prose, ou plutôt
dans ce mixte de vers et de prose qu'est toute phrase anglaise.
Peu de crédit à l'intelligentsia, puisque chacun est fou et chacun
est poète, et qu'on n'a trop que faire de citations. On lit parce
qu'on aime ça, non parce qu'il faut l'avoir lu, remarquait Julien
Gracq, qui a appartenu aux deux cultures. Cependant, tout le monde
ne peut pas parler adéquatement une langue aussi complexe, et longtemps
ce fut le niveau de pratique de l'anglais, non l'argent ni le titre,
qui a hiérarchisé les classes sociales, alors que Malherbe disait
avoir pour maîtres les crocheteurs du Port-au-Foin. Du reste, le
chic est que la distinction langagière soit à peine repérable, comme
celle du vêtement.
Le discours politique connaît alors deux régimes. D'une
part, un parlement où le gouvernement et l'opposition, le cabinet
et le "shadow cabinet", se font face, séparés par une ligne, au-dessus
de laquelle chacun glapit à qui mieux mieux, puisqu'il n'y a pas
de raison universelle, mais seulement des forces en conflits. D'autre
part, ce sont les panels télévisés ou radiodiffusés où, entre les
trois ou quatre représentants des partis et des groupes de pression,
règne le fair-play. Ce qui n'empêche pas l'humour, et féroce. Voltaire
est un mouton à côté de Swift.
Peu de production en musique classique, qui bannit le bruit
au profit de l'information sonore. En revanche, une production considérable
dans le rock, la pop, le disco, qui élaborent justement les aspects
bruités du son. Une radio très polyphonique, où il est fréquent,
en une demi-heure d'émission, de faire entendre une quinzaine de
locuteurs sur un même thème, montrant ainsi leur symphonie et leur
cacophonie. Un mélange fréquent de la parole et du bruitage. Plusieurs
dramatiques radio par jour, d'une grande subtilité sonore. Innombrables
"talk shows", puisque tous les langages sont intéressants, ceux
des hommes, ceux des animaux, ceux des plantes. L'hebdomadaire scientifique
Nature consiste moins en articles qu'en un prodigieux courrier planétaire.
Pas de "vulgarisation" scientifique au sens où il y aurait à distribuer
un savoir "possédé" par des "savants" moyennant des facilitations
et des enjolivements pour le vulgaire, mais de vraies "histoires"
("historia" = recherche) de la technique et de la science (laquelle
n'est pas savoir), où chercheur et lecteur avancent avec les moyens
du bord dans le maquis du réel, à travers des questions et des réponses
partagées par tous et saisies comme transitoires. A l'inverse de
Versailles, les jardins miment la forêt, perçue comme " a tapestry
of songs" [une tapisserie de chants].
Dégager parmi les bouffées sonores de l'entourage les "phrases"
et leurs phonèmes est un rude travail pour le bébé anglais. L'acculturation
de l'enfant fait donc problème, et exige des soins qui rappellent
ceux aux handicapés. L'Alice de Lewis Carroll est plus perdue devant
le monde que le bon petit Diable de la comtesse de Ségur. Entre
autres, elle se demande si les mots se disent ou se mangent. Puisqu'il
est déjà assuré qu'ils se chantent et, à entendre Humpty Dumpty,
s'avalent souvent aussi.
L'ALLEMAND
Les mots allemands ne sont pas de simples parties intégrantes
de la phrase, comme en français, ni de simples bouffées musicales,
comme en anglais. Ce sont des cavernes bourrées de trésors ou d'explosifs,
ou mieux des blocs d'énergies élémentaires tellement ramassées et
enfouies qu'elles frôlent l'éruption. Ils sont "heimlich", c'est-à-dire
qu'ils appartiennent au "Heim", à un domicile qui est en même temps
un secret, une retraite par-dessous. Il faut les écouter attentivement,
"lauschen", d'une façon qui soit également "heimlich", de haut en
bas, en fouille. On doit donc attendre que le dispositif langagier
favorise les insistances, et pour cela les ralentissements et les
fragmentations presque cahotantes.
Les retardements commencent avec la phonie. Sont fréquentes
les consonnes doubles ou triples: "erst", "Herbst"; de même que
ces consonnes simples à implosion et explosion successives qu'on
appelle des affriquées: "Pferd", "Kampf", "Strumpf", ou la célèbre
rime de Goethe: "Gipfeln", "Wipfeln". Bien plus, les voyelles doubles
des langues germaniques sont souvent ici du type "aï", "oï", encore
sonorisées par la consonne suivante confirmant la résonance lointaine
et descendante: "ein", "Rhein", "Freud", "Freund", "Feuer". A quoi
s'ajoute la diction soufflée de certaines consonnes, mais aussi
le "Knacklaut" (explosive), bref coincement glottal avant l'émission
phonétique. Du coup, comme en français, et à l'inverse de l'anglais,
les syllabes ont à peu près la même longueur et sont prononcées
fermement. Sans quoi se perdraient leurs retournements, cahotements
internes.
Les substantifs, les adjectifs et les articles se déclinent
selon des cas multiples, comme en russe, et pas résiduellement comme
en anglais, ce qui ajoute à leur poids. Il arrive même que leur
radical varie sensiblement, "Mutter" (mère), "Mütter" (mères), ce
qui leur confère un écho interne. "Die Mütter! Mütter! 's klingt
so wunderlich" [quel son merveilleux], s'exclame Goethe dans le
second Faust. D'autre part, les racines sont censées être si riches
que, par exemple, "erkenn" (connaître) peut apparaître dans le verbe
"erkennen", dans le verbe substantivé "das Erkennen", dans trois
substantifs verbaux à nuances subtiles: "Erkenntnis", "Erkennung",
"Erkenntlichkeit".
Les mots déjà si lourds se composent encore entre eux,
cohabitent dans des tensions d'autant plus vives qu'ils demeurent
intacts. En particulier, l'adjonction des terminaisons préserve
généralement les radicaux: "-keit" s'ajoute à "Ewig", et "-heit"
à "Gott" sans les altérer. En sorte que "Ewig-keit" est entendu
comme "Eternel-ité", et "Gott-heit" comme "Dieu-ité", alors
qu'en français "éternité" et "divinité", ou même "déité", ont un
rapport beaucoup plus évasif à leur thème. La chimie ou l'alchimie
verbale ainsi produite est parfois innocente, comme dans "Zahn-rein-ig-ungs-mittel",
moyen de nettoyage des dents" pour dire "dentifrice". Mais elle
crée aussi souvent des mixtes détonants. Revenons à "Heim", dont
les dérivés occupent plusieurs colonnes dans les dictionnaires.
Il donne "Heimat" (pays natal), déjà chargé. Mais aussi les composés
"Heimatkunde", "Heimathafen", "Heimatdorf", "Heimatland", plus chargés
encore. Par l'addition du possessif "mein", la densité affective
de "mein Heimatland" devient énorme.
Des préfixes plus ou moins détachables expriment (et donc
suscitent) des mouvements physiques et psychiques, comme en anglais
et du reste dans toutes les langues germaniques. Mais ici, selon
la résonance en profondeur, les mouvements évoqués viennent s'appliquer
à des mots déjà intenses. Accouplé à "heben" (soulever), le "Auf-"
de la fameuse "Aufhebung" hégélienne évoque à la fois un soulèvement,
un enlèvement, une suspension, une élévation, une substitution,
une assomption, le relais, etc. La "Ver-nei-nung" de Freud et la
"Ver-wand-lung" de Kafka sont plus qu'une dénégation et une métamorphose.
"Er-" signale des opérations qui sont à la fois actives et passives,
comme l'expérience vécue ("Er-leben", "Er-fahren"), la reconnaissance
("Er-kennen"), et surtout l'éducation ("Er-ziehen"), dont la désignation
latine et française signale seulement qu'il s'agit de conduire l'enfant
("ducer") hors de quelque chose ("ex").
Dans la syntaxe, l'inversion du sujet et du verbe, et surtout
le rejet du verbe à la fin de la subordonnée, donc aussi l'attente
parfois longue de la décision du verbe (va-t-on dire que tout ce
qui précède est affirmé ou nié construit ou détruit?), renforcent
la structuration gigogne, l'étagement en profondeur, la disponibilité
plus ou moins catastrophique à des événements ou des retournements
en suspens.
La déclinaison en cas multiples intensifie le mot et habite
la sentence de forces en tensions.
Nietzsche interroge: "Wohin kam die Träne meinem Auge?": vers quoi
("wohin") est venue ("kam") la larme ("Träne") pour mon œil ("meinem
Auge", datif). Il y a là deux mouvements, où la traduction: "Que
sont devenus les pleurs de mes yeux?", sauve "Wohin kam", mais pas
le datif "meinem Auge", devenu un simple déterminatif de "Träne",
alors qu'il s'agit d'une relation tangentielle. La structure de
certaines phrases allemandes fait ainsi penser à la tectonique des
plaques terrestres, où des éléments se jouxtant de façon tantôt
dérivante tantôt frontale provoquent des soulèvements et des effondrements
terribles.
Jusqu'à hier l'écriture gothique répercuta dans les textes
cette germination grouillante, ces retournements sur soi; et le
quotidien Frankfurter Allgemeine, qui se qualifie éloquemment "Zeitung
für Deutschland", la maintient encore pour quelques titres à la
une. Du reste, même dans la graphie actuelle, les substantifs et
les verbes substantivés demeurent majusculés, ce qui conforte leur
poids. Rien que par sa majuscule, "das Denken" dans un texte de
Heidegger pèse plus lourd que "le penser", et surtout que "la pensée",
dans la traduction française. Articulant ces concentrations et frictions
successives, la ponctuation est puissante, parfois jusqu'à l'encombrement.
C'est sans doute le verbe "klingen", le "sonner" de la cloche lourd,
lointain, double, impur, archaïque, qui marque le mieux l'étonnement
à la fois ravi effrayé du locuteur allemand devant les mystères
de cette sonorité, cette sémantique, cette syntaxe abyssales. Nous
l'avons rencontré chez Goethe: "'s klingt so wunderlich"; il était
déjà chez Mozart: "Das klinget so herrlich, das klinget so schön"
[cela sonne si magnifique, cela sonne si beau]. La flûte enchantée,
ou plutôt enchantante, Die Zauberflöte, fondatrice de l'opéra allemand,
et qui en épuise les possibilités, est pour finir la langue allemande
elle-même.
L'ALLEMAND
La terre, l'air, le feu,
l'eau, saisis dans leurs conflits primordiaux
Ce langage est celui d'un monde d'éléments: terre, eau,
air, feu, saisis dans leurs conflits permanents et primordiaux.
C'est eux, comme "Anfangsgründe", comme fondement du commencement,
qui sont l'origine des formes qu'ils défont en même temps qu'ils
les engendrent.
Philosophiquement, ces éléments sont si archaïques, si grouillants,
qu'ils ne sauraient être les substances cartésiennes, ni les qualités
sensibles anglaises. Ce sont les possibles, dans leurs terribles
jeux. C'est pourquoi, au détour de ce Siècle, la langue allemande
a été l'humus obligé de la phénoménologie, c'est-à-dire du dévoilement
de couches sémantiques en apparition émerveillante, depuis l'essence
illuminatrice. Et, en même temps, l'humus obligé de la psychanalyse,
écoute des poussées occultes vers un fond, puis à partir d'un fond:
"Triebe", "Verdrängung", "Verneinung", "Verschiebung" [instincts,
refoulement, inclination, décalage], autant de termes qui désignent
les mouvements des mots allemands à l'intérieur de la phrase, mais
aussi à l'intérieur d'eux-mêmes.
Assurément, l'Absolu ici ne saurait être l'Etre parfait
de Descartes, ni non plus le Boojum de Carroll. C'est l'Englobant,
"das Umgreiffende", dont parle Jaspers. Du même coup, avant la psychanalyse
et la phénoménologie, ce fut, dans cette aire de langage, un siècle
et demi de philosophie de l'histoire, des langues, des cultures
et des civilisations, depuis Herder, Humboldt, jusqu'à Spengler.
Les quatre monèmes puissants de "Alter-tums-wissen-schaft", la science
de l'antiquité, ont sonné haut à travers tout le XIXe siècle. Le
dictionnaire étymiologique de la langue russe qui fait toujours
autorité fut édité à Heidelberg. Aujourd'hui encore, les encyclopédies
allemandes, conçues pour un "Fachmann" [le spécialiste] se plaisant
à la pullulation grouillante du détail, contrastent avec le jardin
à l'anglaise (évolutionniste) d'Encyclopaedia Britannica, comme
aussi avec le jardin français d'Encyclopaedia Universalis, qui conjoint
la vue synthétique et l'article d'auteur.
Beethoven considéra la musique comme "une révélation plus
haute que toute sagesse et toute philosophie". C'est que la structure
et le fantasme déflagrants de l'allemand se réalisèrent au mieux
dans l'"allemande", dans l'épaisseur de la fugue, dans le redoublement
de la note de l'aria, chez Bach, projetant d'approcher dans les
Variations Goldberg jusqu'à la pensée divine. Dans le son vrillé
en profondeur et le phrasé contrarié, chez Mozart. Dans le devenir
sonore à partir du bruit, chez Beethoven. Dans le décalage harmonique
continu entre les deux mains, chez Schumann. Dans la fusion lointaine
de l'origine chez Wagner. Partout avec cette volonté de variations
("Variationen"), voire de transformations (Veränderungen, op. 120),
que les philosophes disaient dialectiques.
La peinture devait être réduite, tout en travaillant également
à attiser des éléments en conflits ou en condensations déflagrantes,
non sans effets chromo, à travers les rétorsions du Crucifié de
Grünewald, les bannières grouillantes de Altdorfer, les appas tordus
de Cranach, les tensions psychiques et graphiques des réformateurs
de Dürer, sans compter les éclaboussures des expressionnistes du
début de ce siècle.
La densité est si grande qu'elle ne laisse guère place à
la distance de l'humour. Ni non plus à l'érotisme tempéré. La sexualité
est déflagrante comme le reste: Hannah Schygulla n'est pas Catherine
Deneuve. Au théâtre, le Kaspar de Peter Handke et le comique de
Didi montrent la même frayeur devant la dynamique infernale du langage
et du monde. L'image télévisuelle et photographique est d'ordinaire
frontale, arrêtée, d'une extrême compacité graphique et colorée.
Dans les moeurs, c'est la volonté de maintenir à la fois la discipline
et la grossièreté, à la chinoise. Une cuisine aigre-douce, 'sauer-süsse'.
Une ouverture à tous les possibles moraux qui fait penser à l'indifférence
et à la disponibilité indiennes. Dialectique militante de la société
chez Marx, dialectique militante de la nature chez Engels, conception
cataclysmique de l'écologie chez beaucoup de Verts contemporains.
Politiquement, pas de centralisme français, ni de royauté symbolique
anglaise, mais, sous le vol de l'aigle noir du Reich millénaire
et flottant, et à côté de la Realpolitik d'ensemble, une politique
locale exprimant la vitalité de Länder multiples, chacun étant un
mélange compact d'éléments premiers et lointains, non sans patois
et dialectes. En contraste avec le souci urbanistique français,
globalisateur, des agglomérations plutôt que de vraies villes.
L'ESPAGNOL
Alors que l'italien est du latin parlé continûment pendant
vingt siècles, que le français est du latin très tôt parlé par des
Germains ou au contact de Germains, l'espagnol est du latin parlé
en face d'Arabes.
Les objets importés gardèrent leur désignation arabe: "almohada"
(coussin), "alquimía" (pierre philosophale), "alquitrán" (goudron),
"almacén" (magasin); parfois le terme étranger l'emporta même pour
les objets préexistants: "aceite" (huile de table) a supplanté "óleo".
Mais c'est surtout la diction arabe en bloc qui influença la diction
espagnole, laquelle devint une sorte d'élan aussitôt réprimé ou
comprimé, presque l'inverse de ce qui se passe en allemand, où le
mot se creuse d'abord, se condense, pour exploser en retour. L'énoncé
espagnol se dresse, se bande sur place. Il carre, presque incarcère.
Ce qui saille dans l'italien ici se rétracte: "mento" [je
mens] devient "miento", "porta" "puerta", "bene" "bien", "buono"
"bueno" ou "buen". Au coeur du pays, en Castille, les "z" et "c"
devant "e" et "i" s'étouffent, et on ne les confondra pas avec le
"th" anglais, qui est une dentale bruitée. Dans le même parti, le
"s" final peut se rapprocher du "ch" français, ou plutôt du "s"
final portugais. Le roulement du "r" se resserre derrière les dents.
La jota s'arrache avec violence sans se libérer.
Les "b" ou "v" français ou italiens décidés seraient trop
généreux, et ils se tiennent donc dans leur entre-deux. Le "z" français
introduirait une mollesse inacceptable, et le "s" est toujours dur,
même entre voyelles: correctement prononcée, la "rosa" a autant
d'épines que de parfum. Avec son "s" unique, le superlatif, au lieu
de fuser comme dans le double "ss" italien, insiste de haut en bas:
"a la mismísima puerta". Quand l'accent tombe sur la dernière syllabe,
les mots viennent y buter fortement, et le "r" de l'infinitif bloque
plus qu'il ne propage: comer, tomar, decir. Par sa phonie déjà,
le mot "ejecución" prononcé correctement ne désigne pas seulement
une exécution, il la réalise.
Le vocabulaire est rude, comme en arabe: "preguntar" pour
demander, "contestar" pour répondre, "tomar " pour prendre, "sacar"
pour ôter, "disgusto" pour le regret. Les jurons forcent la même
note: "¡Me cago en tus muertos, hijo de la gran puta! [Je chie sur
tes morts, fils de la grande pute.]
Le dédain implicite concorde avec une certaine négligence
dans la façon de marquer les mouvements précis, jusqu'au flottement
des prépositions, en contraste avec l'anglais: "por" rend à la fois
"for" et "by" . Même la délectation et la tendresse doivent s'accommoder
de la dureté phonique. A ce compte, la sentence espagnole fait le
plus souvent un effet de rafale, de tir soutenu et constant, impitoyable.
Cela tient à l'égalité des syllabes, sans aucune afféterie. A certaines
insistances: "cincuenta y tres", "ver a Lola" (adjonction de "ad"
latin devant le complément d'objet direct personnel). A l'étroitesse
des écarts de hauteur et d'intensité. A une mélodie générale légèrement
descendante ne se relevant, aussi légèrement, qu'à la fin.
La prosodie confirme la volonté d'empêcher tout alanguissement.
Le vers théâtral d'El Burlador de Sevilla est de sept pieds, donc
plus court d'un tiers que l'alexandrin français, et impair. La disposition
des rimes, ABBACDDC, montre une fermeture, une carrure du dialogue,
impensables dans une tragédie ou une comédie françaises.
L'ESPAGNOL
Coups d'estoc et de taille,
verbes vifs, rugosités nues
La syntaxe ne cherche pas les rapports compliqués et lointains
de la période française, mais une succession de coups frappés d'estoc
et de taille, en des verbes très vifs. Les rugosités sont nues,
crûment proposées. Le texte espagnol est frontal d'où qu'on le prenne.
Géographiquement entre Europe et Afrique islamisée,
le paysage d'Espagne ne propose ni l'énergie montant du sol comme
en France (le Balzac de Rodin), ni le mirage descendant du ciel,
comme dans l'aire arabe (l'Alhambra de Grenade). Dans un double
refus du ciel et de la terre, le corps se dresse sur ses ergots,
bandant le ventre, les pieds frappent une terre rebelle dans le
martèlement immobile du zapateado. Et autour de ce corps, affrontées
à lui, les grilles très hautes et omniprésentes carrent de partout
les nefs de Burgos et de Séville. Les fenêtres se grillagent de
la Sierra Nevada aux Pyrénées, permettant de voir du dedans vers
le dehors, pas du dehors vers le dedans. L'Escurial est un gril,
celui de saint Laurent [l'Escurial, palais et monastère que Philippe
II avait fait voeu de construire en l'honneur de saint Laurent;
son plan est un gril, instrument de supplice de ce saint]. La "silla
de hiero" [la chaise de fer], le plus constrictif des supplices,
travaille par strangulation progressive entre le métal du dos de
la chaise et le métal du licou, en contraste avec les exécutions
tranchées et lisses de la guillotine. Les corridas sont des face-à-face
ultimes, d'autant plus intenses que l'arène provinciale est plus
petite. Il arrive parfois que les bancs des parcs soient tournés
vers les haies, non vers le jardin.
Il n'est pas insignifiant que le tableau espagnol par excellence
soit Les Ménines (Vélasquez, 1656), modèle de représentation carcérale,
où le couple royal, les enfants royaux qui l'accueillent et le peintre
peignant sont tous saisis face à face en un champ clos, recadré
de toutes parts par des rectangles dressés, et cela gauche droite,
mais aussi devant derrière, et dessus dessous. L'autre tableau espagnol
exemplaire est La fusillade du 3 mai 1808: un homme surgit de la
nuit, blanc comme le blanc de Goya, c'est-à-dire comme celui du
néant, et aussitôt bloqué par le mur des fusils qui l'assaillent.
La première phrase de Cien años de soledad, de García Márquez, nous
met "frente al pelotón de fusilamiento".
Le néant espagnol, "todo y nada", tout et rien, n'est pas
le néant dialectisé de Hegel, ni le néant de Sartre. Il est un pessimisme
du vide, ou plutôt du pur interchangeable, là où l'italien, qui
ne connaît que le "Nulla", pratique un pessimisme du plein. On lit
sur une pierre tombale de Tolède: "Hic est homo, et pulvis, et nihil"
[Ci-gît un homme, de la poussière, et du néant]. Le pourrissoir
de l'Escurial, le Podridero, solennisait la décomposition des rois
pendant cinq ans.
Dans cette ambiance, la musique classique devait se restreindre
à quelques sons indéfiniment répétés, non pour leur justesse, comme
en Italie, mais pour leur enfermement par modulations sèches. L'Italien
espagnolisé Domenico Scarlatti a produit des sonates pour piano
qui sont les plus plaquées qui furent écrites. Par exemple, l'enchaînement
de l'accord : sol-do-ré-sol-ré-sol (modulé mi bémol pour le ré haut)
suivi de l'accord: la bémol-do-fa-do-fa (modulé si pour le do haut)
préparait les accents du flamenco, et ceux de la guitare classique,
insistance lancinante pour l'auditeur, et "silla de hiero" pour
les mains de l'interprète.
On pourrait donc croire que cette situation de langage
si singulière dût se restreindre à un seul peuple, en d'autres mots
qu'elle fût inexportable. Pourtant, parmi les langues européennes
ici envisagées, l'espagnol est seul à avoir été vraiment assumé
par des peuples non indo-européens, parlant par exemple maya ou
nahuatl, au point de véhiculer adéquatement jusqu'à leurs revendications
précolombiennes.
Il s'est produit en effet, après 1500, une coïncidence
historique formidable, la rencontre, sur le sol américain, de l'espagnol,
si constrictif (de constriction: action de resserrer en pressant
tout autour), avec des civilisations précolombiennes également constrictives,
comme en témoignent leurs sculptures et leurs architectures, mais
aussi leurs langues. Le sang séché des pyramides aztèques avait
la plus étouffante, la plus suffocante des odeurs. Et c'est, peut-on
croire, un extraordinaire croisement de diversités et de similitudes
qui a fait de la littérature espagnole d'Amérique latine une des
plus grandes d'aujourd'hui. Elle a même produit trois états originaux
de la constriction.
Dans le bout du monde qu'est l'Argentine, après quoi il n'y a
plus que El Sur, ç'aura été la constriction logique. A des milliers
de kilomètres de l'Espagne, l'Univers du locuteur espagnol Borges
est le gril d'un Escurial multidimensionnel: "El universo (que otros
llaman la Biblioteca) se compone de un número indefinido, y tal
vez infinito, de galerías hexagonales (...) interminablemente. La
distribución de las galerías es invariable." [l'univers, que d'aucuns
appellent la Bibliothèque, se compose d'un nombre indéfini, et peut-être
infini, de galeries hexagonale, interminablement. La distribution
des galeries ne varie jamais.] Encore cet enfermement ne serait-il
rien s'il demeurait un sens, mais le seul mouvement là est celui
de la pure combinatoire selon le calcul des probabilités.
En Colombie, avec Gabriel García Márquez, c'est une constriction
imagétique, mais toujours fidèle à un escurial. Dès la première
phrase d'El Otoño del Patriarca les gallinacés détruisent les mailles
de métal des fenêtres, "las mallas de alambre de las ventanas",
remuent de leurs ailes "el tiempo estancado en el interior" (que
Couffon traduit superbement par "le temps stagnant intra muros"),
tandis que la ville s'éveille d'une léthargie séculaire dans un
chiasme de mort, de pourriture et de grandeur, "de muerte grande
y de podrida grandeza".
La troisième constriction prend place au nord de l'Isthme,
sur le sol volcanique du Mexique, dans la mâchoire du ciel et de
la terre. C'est là que Juan Rulfo nous fait descendre avec Pedro
Páramo ("páramo" = plaine désertique) "en la mera boca del infierno"
[dans la gueule même de l'enfer].
Assurément, la perception de l'espagnol, aride, vertical
et serré, s'affinerait de sa comparaison avec le portugais, océanique
et horizontalement lointain. On ferait contraster le "fado" et le
"cante jondo". Mais il faut se limiter. Demandons seulement au poète
portugais, ou plus exactement brésilien, Haroldo de Campos, de nous
faire voguer encore un instant, en une cartographie galactique ("
em cartapacios galacticos"), sur les langues que nous avons parcourues:
"Mais uma vez junto ao mar [Une fois de plus uni à la mer] polifluxbórboro
polivozbárbaro polúphloisbos/ polyfizzyboisterous weitaufrauschend
fluctissonante esse mar esse mar/ esse mar esse martexto por quem
os signos dobram marujando [se redoublent tanguant comme des marins]
num estuário/de papel num mortuário num monstruário de papel múrmur-rúmor-remurmurhante..."
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